Créer un espace pour le sexe dans le Grand Bargain et le système humanitaire
Le Groupe des Amis du Genre (FoGG) est une plateforme collaborative d’agences humanitaires qui œuvrent pour la promotion de l’égalité des sexes dans le cadre du Grand Bargain, l’accord mondial créé par les agences humanitaires en mai 2016 pour améliorer l’efficience et l’efficacité de l’action humanitaire.
Créé lors de la réunion Sherpa Grand Bargain à Bonn en septembre 2016, le groupe est passé d’une petite cohorte de signataires du Grand Bargain à un réseau diversifié coprésidé par deux dirigeantes locales représentant des organisations dirigées par des femmes (WLO) dans les pays du Sud global
Naomi Tulay-Solanke de la Community Healthcare Initiative (Liberia) représentante du Feminist Humanitarian Network, et Fatima Shehu Imam de la Rehabilitation Empowerment and Better Health Initiative (REBHI) au Nigeria.
À l’instar du Grand Bargain, l’adhésion de FoGG est composée d’un groupe divers d’acteurs humanitaires : gouvernements donateurs, organisations internationales et organisations non gouvernementales (ONG), bien que l’adhésion à FoGG soit également ouverte aux WLO qui ne sont pas signataires officiels du Grand Bargain depuis 2019.
Au cours des huit dernières années, les membres du groupe ont plaidé pour l’intégration des perspectives du genre dans toutes les initiatives Grand Bargain, exhortant les signataires à intégrer les considérations du genre dans leurs politiques, programmes et mécanismes de financement.
Les membres du FoGG s’engagent avec les structures politiques, techniques et bureaucratiques du Grand Bargain dans l’esprit de la mission de la plateforme : résoudre les obstacles et défis apparemment impossibles qui entravent la réponse humanitaire en abordant ensemble des discussions difficiles avec les donateurs, les agences des Nations Unies et les ONG.
Le FoGG s’est constamment employé à tirer parti de la plateforme Grand Bargain afin d’institutionnaliser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles à toutes les phases de la réponse humanitaire et du reconstruction, en l’utilisant comme catalyseur pour la mise en œuvre des engagements et des normes mondiaux existants en matière d’égalité des sexes, en particulier grâce à des rapports précis et en temps opportun par les signataires.
Les contributions de la FoGG au Grand Bargain sont documentées par le Rapport Indépendant Annuel sur le Grand Bargain, récemment préparé par ODI.
Se réunissant régulièrement pour échanger des idées et examiner stratégiquement les engagements du Grand Bargain afin de plaider pour le renforcement des engagements individuels et collectifs, les membres de la FoGG ont défini des domaines d’engagement prioritaires (anciennement connus sous le nom de filières de travail) pour promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des jeunes filles dans les contextes humanitaires de manière cohérente dans les initiatives du Grand Bargain.
Les membres du FoGG ont plaidé pour :
- des approches tenant compte de la perspective du genre dans l’évaluation des besoins afin d’atténuer l’impact des inégalités préexistantes entre les sexes en période de crise et de promouvoir des interventions plus inclusives et plus efficaces ;
- l’intégration d’une perspective du genre dans tous les secteurs de l’action humanitaire, y compris le logement, la santé, la sécurité alimentaire, l’éducation et les moyens de subsistance, en plaidant pour l’intégration d’une analyse du genre et d’une programmation tenant compte de la perspective du genre dans tous les secteurs afin de répondre aux besoins et priorités spécifiques des femmes et des jeunes filles ;
- renforcer le leadership et la participation des femmes touchées par les crises aux processus décisionnels humanitaires, en particulier grâce au travail des membres du FoGG dans le domaine de l’axe de travail sur la localisation et du caucus.
- La participation des membres du FoGG aux travaux initiaux sur la localisation, les liquidités, la révolution de la participation et les évaluations des besoins a donné des résultats positifs, mais les rapports et les résultats étaient plus variés.
Combler l’écart entre les sexes
La question centrale autour de laquelle le FoGG a été formé est l’absence d’engagements explicites en matière de sexe dans le cadre du Grand Bargain.
En 2018, FoGG a plaidé avec succès pour l’inclusion d’une auto-déclaration accrue sur le sexe pour les signataires dans le processus de rapport annuel.
La résistance de certains acteurs à l’idée d’accroître le nombre de rapports a été invoquée par l’absence d’engagements explicites en faveur de l’égalité des sexes dans le Grand Bargain.
Ce fossé structurel au sein de la plateforme a été soulevé à plusieurs reprises par les membres du groupe, y compris lors des réunions annuelles, en particulier lors de l’élaboration du Grand Bargain 2.0 en 2021.
L’absence d’un point central de leadership ou de redevabilité en matière de sexe dans le cadre du Grand Bargain a constitué un obstacle important pour les membres du FoGG depuis sa création.
Bien que le FoGG ait été formé pour lancer des discussions entre les signataires sur les écarts du genre structurels dans le cadre du Grand Bargain, la formation du groupe n’a pas été considérée comme une fin en soi, mais comme une modalité de plaidoyer, de coordination et de partage des connaissances entre les acteurs humanitaires partageant les mêmes idées qui ont vu le potentiel de la plateforme du Grand Bargain promouvoir une action humanitaire transformatrice du genre.
Cependant, le travail du groupe a toujours été dominé par l’aménagement d’une place pour l’approche du genrée dans le Grand Bargain, de sorte qu’il n’a pas été en mesure de dépasser les préoccupations structurelles de la plate-forme.
Bien que certains progrès aient été réalisés dans l’attention croissante portée à l’importance des engagements du genre sous le mandat de la personnalité éminente du Grand Bargain, Sigrid Kaag, entre 2019 et 2021, l’absence de leadership soutenu sape les efforts visant à institutionnaliser l’intégration de la dimension du genre.
En outre, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ont reçu moins d’importance dans les processus du Grand Bargain et les dialogues dans le cadre du 2.0.
Malgré l’adoption d’actions du genre dans le cadre 2.0, les mêmes difficultés subsistent pour tenir les signataires responsables de la mise en œuvre et de l’auto-établissement de rapports.
L’un des facteurs qui a entravé les progrès du FoGG est l’absence d’un représentant régulier au sein du Comité directeur du Grand Bargain pour déposer et valoriser des propositions visant à promouvoir les considérations du genre.
Dans le cadre du processus de rédaction du Grand Bargain 2.0, le groupe a proposé l’élaboration d’un cadre de suivi intégrant des indicateurs du genre dans l’ensemble de ses piliers, afin de permettre le suivi et l’établissement de rapports sur les engagements collectifs visant à promouvoir l’égalité des genres et le leadership des femmes, qui n’ont pas gagné en popularité.
À la suite des tentatives successives de faire pression sur les membres du Comité directeur pour que les structures et les initiatives du Grand Bargain soient conformes aux cadres normatifs intégrant les engagements en matière d’égalité des genres, tels que les politiques du Comité permanent inter-organisations (IASC) et le Bon don humanitaire (GHD), FoGG a commencé à lancer un appel plus large aux signataires du Grand Bargain pour qu’ils établissent chacun des objectifs spécifiques à chaque agence afin de rendre compte des progrès accomplis dans la réalisation des engagements en matière d’égalité des genres
Les Membres continuent d’encourager les parties prenantes au Grand Bargain à intensifier l’action stratégique, y compris le financement pour la promotion de l’égalité des genres dans les situations de crise et humanitaires, malgré le défi de rivaliser avec de multiples priorités à l’attention des signataires sans représentant politique.
Conclusion
Le FoGG, cherchant à promouvoir un ordre du jour humanitaire plus équitable à travers la plateforme Grand Bargain, a travaillé stratégiquement pour renforcer les synergies entre les engagements Grand Bargain et les cadres normatifs mondiaux, en donnant la priorité aux approches intersectionnelles et en améliorant les mécanismes de redevabilité.
En favorisant les partenariats et la collaboration entre les acteurs locaux, nationaux et internationaux soucieux de l’égalité des genre, la stratégie du groupe a été d’utiliser les structures et les ouvertures du Grand Bargain pour construire un système humanitaire plus sensible à l’égalité des genres mieux équipé pour répondre aux divers besoins des populations touchées par la crise.
Faute d’espace pour atteindre ces objectifs grâce aux structures Grand Bargain 2.0, le FoGG évolue maintenant pour mieux soutenir le travail de ses membres dans la conduite du changement dans le système humanitaire.
Naomi Tulay-Solanke est fondatrice et directrice générale de l’Initiative de soins de santé communautaires.
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