Les évaluations des besoins post-désastres (Post Disaster Needs Assessments/PDNAs) sont conçues pour faire en sorte que les besoins et les opinions de tous ceux qui sont affectés et réagissent à un désastre soient pris en compte.  Il est généralement convenu qu’il faut entendre ceux qui sont directement affectés, et de nombreuses organisations ont mis au point des stratégies et des outils pour le permettre.  Mais il est rare que les enfants et les jeunes gens – qui constituent souvent plus de la moitié de la population affectée – soient consultés.  Les guides pour l’organisation des PDNA ne reconnaissent pas la valeur des opinions des jeunes.  Cet article montre que les enfants et les jeunes gens peuvent offrir des perspectives très valables et devraient faire formellement partie des PDNA.

Recueillir les opinions des enfants et des jeunes gens

Sur deux semaines, en février et début mars, Plan International, en collaboration avec UNICEF, organisa 54 discussions de groupe (focus group discussions/FGDs) avec des enfants et des jeunes sur l’ensemble du territoire haïtien.  Les préparations comprenaient la conception d’une méthodologie PDNA aménagée pour les enfants et la formation de 18 animateurs haïtiens (neuf femmes et neuf hommes, représentant chacun des neuf départements couverts) pour mener les FGD dans la langue créole locale.  Les 18 animateurs, avec qui Plan et ses partenaires locaux avaient travaillé dans le passé, se familiarisèrent avec le processus PDNA et suivirent un stage d’actualisation sur les droits des enfants, particulièrement sur leurs droits à la protection et à la participation.  Des groupes de discussion séparés furent organisés pour différents groupes d’âge (5-10, 11-16, 17-24), eux-mêmes goupés par sexe.

Méthodologies adaptées aux enfants pour les PDNA

Un certain nombre de méthodologies participatives adaptées aux enfants peuvent être utilisées pour aider les enfants affectés par un désastre à communiquer leurs sentiments, leurs inquiétudes et leurs idées.  Etant entendu que les perspectives des enfants sont différentes de celles des adultes et que beaucoup d’enfants n’ont pas les aptitudes et les moyens de s’exprimer, ces outils utilisent la visualisation et le dessin.  Par exemple, avec la carte du corps, les enfants concentrent leur attention sur un enfant anonyme (dont ils ont dessiné les contours du corps sur un grand tableau) et on les encourage par le moyen d’une série de questions à partager les informations sur l’impact du désastre sur cet enfant imaginaire.  La carte du corps se sert de différentes parties du corps pour aborder des questions qui pourraient être délicates comme les sévices, la violence, la solitude et la peur.  En commençant par la tête, on demande aux enfants à quoi ils pensent, ce qui les inquiète ou ce qui les rend heureux, et si la façon dont les adultes pensent aux enfants a changé.  En se concentrant sur les yeux, la manière dont les enfants voient le monde, leurs communautés, leurs familles et eux-mêmes a-t-elle changé ?  Y a-t-il des changements dans la façon dont les adultes voient les enfants ?  Pour les oreilles, on demande aux enfants si ce qu’ils entendent a changé et comment les adultes les écoutent ?  Avec la bouche, y a-t-il des changements dans la manière dont les enfants parlent, ou dont les adultes leur parlent ?  Pour le cœur, y a-t-il des changements dans les sentiments qu’éprouvent les enfants et dans les sentiments que les adultes éprouvent vis-à-vis d’eux ?  Avec les mains et les bras, y a-t-il des changements dans les activités auxquelles s’adonnent les enfants, et dans la manière dont les adultes les traitent ?  Pour les pieds et les jambes : des changements dans les endroits où ils vont et ne peuvent aller? [1]

Les consultations examinèrent les quatre éléments clés du PDNA haïtien, à savoir le secteur social (y compris l’éducation et les services de santé), l’infrastructure, la production/économie et la gouvernance et la sécurité.  C’était là plus qu’un exercice de Q&R extractif.  Les groupes de discussion offrirent à la plupart des enfants leur première chance formelle de discuter avec leurs pairs la façon dont le tremblement de terre les avait affectés.  Ils leur offrir aussi un espace pour débattre des priorités pour le processus de reconstruction.  On encouragea les enfants à exprimer leurs espoirs et leurs rêves pour l’avenir de leur pays et à indiquer les contributions spécifiques qu’ils pourraient offrir.

La réalité de la vie pour les enfants d’Haïti

Avant le tremblement de terre, les enfants d’Haïti rencontraient de nombreux problèmes, y compris des taux élevés de maladies infectieuses et du VIH/SIDA, une mauvaise éducation, de bas niveaux de nutrition et l’insécurité économique.  Un sur sept n’atteignait pas l’âge de sept ans et 22% des enfants de moins de cinq ans souffraient de malnutrition.  Les risques de désastre posaient des périls permanents d’inondation, surtout pendant la saison annuelle des ouragans.  La pauvreté prenait au piège la plupart des enfants d’Haïti.

Dans les groupes de discussion, on s’aperçût rapidement que l’éducation était une très haute priorité.  Les enfants expliquèrent que l’accès à une éducation de bonne qualité constituait un problème majeur avant le tremblement de terre, avec des écoles en mauvais état dotées de ressources et de personnel insuffisants, et des frais de scolarité trop élevés pour la plupart des gens.  Avant le tremblement de terre, la moitié seulement des enfants haïtiens fréquentaient les écoles primaires, moins d’un quart fréquentaient les maternelles et 83% de toutes les écoles étaient non-publiques et un grand nombre d’entre elles étaient peu réglementées et supervisées.  Le taux national d’alphabétisation était de moins de 53%.  Plus de la moitié des personnes âgées de 20 ans n’avaient pas achevé leurs études secondaires et près de la moitié des jeunes gens sur le marché du travail étaient sans emploi.

Les enfants insistaient sur l’importance des écoles pour restaurer routine et normalité après le traumatisme du tremblement de terre.  Un enfant de neuf ans venant du département de l’Ouest disait : « Je rêve d’un nouvel Haïti, où les enfants vont à l’école…j’ai rêvé d’un autre Haïti où je vais à l’école et rencontre mes amis et les instituteurs.  Ils me manquent tellement ».  Les enfants soulignaient aussi qu’il fallait des écoles solides.  Une fille du département de l’Ouest décrivait son expérience : « Quand le tremblement de terre s’est produit, j’étais dans la salle de classe.  J’ai pensé que le bâtiment était en train de s’écrouler.  Je suis tombée dans l’escalier et ai été secourue là en bas.  Dieu merci, je n’étais pas gravement blessée.  Depuis, je reste à la maison, à ne rien faire.  J’aimerais vraiment que les écoles soient rebâties ».

« Nous sommes le présent d’Haïti; nous serons son avenir »

Les groupes de consultation aidèrent aussi les jeunes gens à comprendre comment le gouvernement et la communauté humanitaire internationale planifiaient le processus de reconstruction.  Les jeunes montrèrent qu’ils s’intéressaient à participer activement à la reconstruction de leur pays.  Une jeune fille de 18 ans originaire du département de l’Ouest dit : « Il faut que les enfants et les jeunes trouvent le soutien psychologique nécessaire et qu’ils participent à la reconstruction pour éviter le stress.  Nous voulons travailler.  Nous voulons des boulots ».  D’après une fille de 13 ans originaire du Sud-est : « Comme contribution personnelle au processus de reconstruction, je pourrais participer aux activités de déblaiement de mon village – il y a tellement d’ordures partout ».  Avec une vision claire d’un avenir solide, ces jeunes filles mettaient en question le stéréotype qui ne voit les enfants que comme des victimes ; elles voulaient être entendues et engagées.

Les FGD définirent la protection comme une autre priorité.  Les enfants parlaient d’une recrudescence de l’insécurité à la suite du tremblement de terre et exigeaient qu’on y fasse face, surtout dans les camps temporaires où les risques de violence, de sévices et de trafic sont élevés.  Une jeune fille de 17 ans de Beudet dans l’Ouest dit : « Après le tremblement de terre, j’ai dormi dehors mais, à cause des bandits et des voleurs, il a fallu que nous rentrions dans la maison ».  Pour les enfants, la protection comprend aussi la protection contre les désastres futurs.  Une jeune fille du groupe d’âge de 17  à 24 ans nous a dit :

Quand le tremblement de terre est arrivé, j’ai cru que la terre s’effondrait.  J’ai vu des gens avec des bras et des jambes cassés sans aucune chance d’être secourus.  Je crois qu’il y a eu tant de victimes parce que nous n’étions pas préparés à confronter ce type de désastre.  Je crois qu’il est important d’apporter un soutien psychologique aux jeunes et d’aider les gens à être mieux préparés.

Les enfants se sont plaints du fait qu’ils ne savaient pas vraiment comment se préparer à une urgence.  La réduction du risque de désastre ne fait partie du programme scolaire – une omission très regrettable dans un pays si vulnérable à tant de risques.  Néanmoins, les enfants savaient que la dégradation de l’environnement, la gestion inadéquate des ressources naturelles et la déforestation les rendaient encore plus vulnérables à des désastres comme les inondations et les glissements de terrain.  Beaucoup d’enfants et de jeunes gens soulignèrent que l’état de préparation aux désastres et leur prévention constituaient des éléments essentiels du processus de reconstruction et ils firent plusieurs suggestions sur la façon dont cela pourrait être fait, y compris le renforcement des routes, le contrôle de la construction et le respect des standards de construction.  Les enfants demandaient aussi que des mesures soient prises pour revitaliser l’agriculture, améliorer l’accès à l’information et aux technologies de communication, produire une énergie renouvelable, améliorer les transports, la gouvernance et la décentralisation.  Comme un adolescent en fit la remarque :

La reconstruction ne devrait pas seulement concerner Port-au-Prince, parce que si on ne reconstruit que Port-au-Prince, les gens qui habitent dans les autres villes vont bientôt partir pour Port-au-Prince, et les bidonvilles vont s’agrandir.  Il nous faut des écoles, des universités et des industries dans les villes pour que les gens puissent rester dans leurs villes d’origine.

Conclusion: habile et juste

La vulnérabilité aux risques de désastre émane des sources variées, y compris l’exclusion sociale et le manque de consultation.  C’est particulièrement vrai pour les enfants.  La participation à la réponse au désastre, au relèvement et à la réhabilitation offre à ceux qui sont affectés par les désastres, dont beaucoup sont inévitablement des enfants et des jeunes gens, une chance de se faire entendre.  En incluant des enfants dans les PDNA, on est sûr que la plus grande partie de la population est appelée à reconstruire en mieux et à s’affermir, ce qui à son tour l’aide considérablement à se remettre de ses traumatismes et de ses pertes.

Le rapport official de PDNA évalue le prix de la reconstruction à 11,5 milliards de Dollars US (USD).  Les résultats de nos consultations avec un petit échantillon d’enfants et de jeunes gens d’Haïti illustrent comment ils peuvent contribuer aux décisions portant sur la manière dont cet argent est utilisé, contrôlé et justifié.  Pour obtenir des avantages à long terme, le processus de reconstruction doit tenir compte des priorités des enfants.  Les enfants et les jeunes gens d’Haïti sont prêts à apprendre et à participer pour faire de leur avenir un meilleur avenir.

 

Daniel Walden est le Responsable de programme DRR à Plan International UK.  Kelly Hawrylyshyn est Chef de programme adjoint DRR à Plan International UK. On peut obtenir le rapport du PDNA centré sur les enfants à www.plan-uk.org/pdfs/haiti_report_final.pdf.

[1] Ces outils sont adaptés d’Action for the Rights of Children (ARC) resource pack 2009, http://www.arc-online.org.

 

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