On oublie parfois, du fait du contexte politique particulièrement difficile de l’assistance internationale apportée à la Corée du Nord, que les besoins essentiels, dont la nourriture n’est pas des moindres, de la population ne sont pas satisfaits. Ayant dû reconnaître, à contrecoeur, la réalité de la crise, le gouvernement, pour la première fois dans les temps modernes a conclu un pacte malaisé avec les organisations humanitaires.  L’action humanitaire au cours des trois dernières années – assurée notamment par le Programme alimentaire mondial (PAM), dans le cadre du programme d’urgence le plus important de son histoire – semble avoir eu des conséquences positives pour les personnes les plus touchées par les pénuries alimentaires dont souffre le pays dans son ensemble. Néanmoins, en Corée du Nord, les intervenants humanitaires soucieux de faire respecter des normes minimales de responsabilité se heurtent à un dilemme grave. Le gouvernement a systématiquement refusé de fournir suffisamment d’informations ou d’assurer l’accès aux populations touchées. On a du mal à faire accepter la transparence ou le devoir de rendre compte aux donateurs, car les normes culturelles sont incompatibles et il existe une méfiance profonde vis-à-vis de l’intervention étrangère.

 

Théoriquement, la Corée du Nord est encore en état de guerre avec la Corée du Sud. Le pays connaît également un déclin économique rapide. L’action humanitaire d’urgence s’associe donc à l’intérêt stratégique pour la réforme “en douceur” du dernier des grands Etats staliniens. Entre-temps, les intervenants humanitaires sont aux prises avec un paradoxe familier : comment importer des quantités immenses de vivres et d’autres produits pour stabiliser une situation régionale potentiellement explosive, tout en rendant des comptes selon les normes internationales ?

 

Lorsqu’elles préconisent le respect d’un minimum de principes humanitaires, de quels moyens de pression les organisations humanitaires disposent-elles dans des pays où ces principes sont mal compris ou tout simplement jugés secondaires ? On part implicitement de l’hypothèse que ces principes seront défendus par l’ensemble des organisations internationales, qui imposeront des sanctions (refus d’assistance, par exemple) en cas de non respect. Qu’on n’en soit pas encore là en Corée du Nord témoigne non seulement de la faiblesse de la coordination mais d’une position relativiste où ces principes sont jugés inappropriés sur le plan culturel ou trop précipitamment promus. Pour certains, il ne faut pas mettre en question les compromis remarquables qu’ont du accépter les organisations d’aide étrangères pendant les trois dernières années, en faveur d’une poursuite irréaliste de la transparence – préoccupation de ceux qui donnent plutôt que de ceux qui reçoivent. D’autres considèrent que le moment est venu d’imposer une obligation plus stricte en ce qui concerne les comptes à rendre, de peur que notre attitude jusqu’ici indulgente envers les autorités nord-coréennes ne devienne la norme institutionnelle dans le pays. On peut être sûr d’une chose : la phase critique de la situation d’urgence en Corée du Nord est déjà, en 1999, terminée – grâce à 1 million de tonnes d’aide alimentaire. Est-ce que, une fois de plus, nous nous préoccupons rétrospectivement des principes, prenant des précautions après le coup ?

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